Commentaires du livre La cité suprême
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Agharti, Shambhala, Thulé, des noms synonymes de redoutables mystères au coeur de l'ésotérisme
Ce livre répond à une double demande. Premièrement dans le registre des arcanes initiatiques car un certain nombre d’écrits furent, par divers auteurs, consacrés au thème du « royaume » d’Agharti ou d’Agarttha (orthographe dont use René Guénon[1]), également appelé Shambhala. On ne sait si ce lieu est mythique ou réel. Toutefois, à partir des explications pertinentes de Guénon et surtout de par le fait que cet auteur considère expressément Agharti comme un supposé « Centre suprême », à l’origine des civilisations supérieures appelées à se succéder durant des millénaires, ce nom fut perçu comme la source de la (notion de) « Tradition primordiale » (et des symboles fondamentaux qui l’accompagnent). De plus, un parallèle s’imposait avec d’autres cités qui interviennent dans divers légendaires ainsi que dans des récits relevant de l’imagination d’écrivains singulièrement inspirés. Pour Guénon, puis Julius Evola, le nom du « Centre suprême » aurait été Thulé (plus anciennement dénommé Tula). Avec cette désignation paraît l’un des concepts majeurs sans lesquels, n’hésitons pas à le dire, le monde de l’ésotérisme n’aurait aucune armature et nulle finalité. Expliquons-nous.
Toute l’Histoire secrète de l’Humanité pourrait se résumer en quelques mots. Les cycles se succèdent et celui qui s’achève actuellement serait d’environ 60.000 ans. Avec son commencement se manifesterait une « entité génétique » suprahumaine et créatrice d’un lieu exemplaire qui, on l’aura compris, n’est autre que le « Centre suprême ». Toujours associé au Pôle (nord), ce « domaine », tantôt territoire « paradisiaque », tantôt cité d’une sidérante beauté, relève de l’Âge d’Or, moment où règnent la perfection et une totale sérénité. Durant les Âges qui suivirent – d’Argent, d’Airain et de Fer, selon le Grec Hésiode, correspondant aux quatre Âges de l’Inde arya et de l’ancienne Perse – s’opéra une lente involution (et non pas évolution) spirituelle de l’espèce humaine tandis que le « Centre suprême », sauvegardant son intégrité, se rendait inaccessible en s’occultant dans une spatialité inconnue. Depuis, ce thème d’un lieu idyllique, gardien du plus haut savoir, s’est installé dans le légendaire et, on l’a dit, dans la littérature fantastique[2] car faisant puissamment appel à un imaginaire bousculant allégrement les frontières de la pensée rationnelle. Selon Guénon, après la disparition du « Centre » dans un invisible « ailleurs » (dont il faudra reparler), des cités, importantes pour leur caractère sacral, s’efforcèrent de le refléter - mais, on s’en doute, ce ne pouvait être que très imparfaitement - et se nommèrent Gizeh, Persépolis, Lhassa (sur le même trentième parallèle) ou, plus près de nous, Delphes, vouée à Apollon (qualifié d’)hyperboréen, Rome (ville déclarée « éternelle »),Tolède au milieu du bloc ibérique, Bourges, cœur de la Gaule et de la France. En Allemagne médiévale, ce « centre secondaire » sera le Mont Kyffhäuser dans lequel est endormi l’empereur Barberousse et dont la plaine s’étendant au nord porte le nom de Goldene Aue (« Prairie dorée »), allusif à l’Âge premier autant qu’à la strophe 61 du célèbre poème viking, la Völuspá[3].
La seconde raison réside en ce que notre livre amène de nouveaux matériaux montrant que le thème d’une « Cité suprême » est en quelque sorte fortement validé à partir du moment où l’on présente les preuves (pièces archéologiques à l’appui) que l’écriture runique, système à 24 signes, ne peut se comprendre que par rapport à l’ésotérisme du Pôle. Il faut bien se rendre compte qu’une telle découverte remet radicalement en cause les interprétations des runologues classiques aux dires desquels cette écriture n’est qu’un support linguistique conçu en imitation des alphabets nord-étrusque, latin ou rhétique (alpin). En réalité, par notre étude, il ressort que le système runique, dès lors que chaque lettre est l’initiale d’un nom, exprimerait une véritable architecture de concepts. C’est ici qu’une hypothèse issue de travaux antérieurs doit être rappelée.
Comme démontré dans un autre ouvrage[4], les runes sont une formulation graphique des symboles fondamentaux. Formulation souvent volontairement incomplète, mais présentant les composantes permettant d’être complétée. Prenons trois exemples : la rune f, tournant sur elle-même,
trace des cercles concentriques (ainsi, dans la nature, avec les ondes dans l’eau ou les anneaux du bois), figure omniprésente sur des gravures rupestres du Néolithique. Puis, la rune u, stylisation d’une corne d’auroch,
(symbole de puissance mentale), évoquant le pouvoir du son (la vibration) ou, s’il s’agit d’une corne à boire, la lumière dorée de l’hydromel. De plus, u s’inscrit dans un double carré[5] qui est le commencement du schéma du nombre d’or omniprésent dans la nature :
Troisième exemple, la rune r, par sa partie formée de trois segments irréguliers n’est autre, déployé, que le célèbre triangle (dit) de Pythagore,
dont les côtés sont de valeur 3, 4 et 5 renvoyant successivement à la Providence, à la Volonté et au Destin (tout un programme existentiel). Heinz Klingenberg, membre de la prestigieuse université de Heidelberg, le démontre dans son incontournable ouvrage[6], les détenteurs de la connaissance chez les Germains avaient les mêmes préoccupations mathématiques que les Pythagoriciens[7].
LES NOMBRES, ÉCLAIREMENT DES « ALBO-EUROPÉENS »
Complémentairement à cela, l’être « Albo-européen » - terminologie qui tend à remplacer l’expression « Européen de souche »[8] - a, depuis les temps les plus anciens, fait siennes les notions de mathématiques et de géométrie. Prenons un exemple remontant assez tôt dans le passé germanique : le célèbre char solaire de Trundholm (conçu environ vers 1.400 avant notre ère). L’une des faces de ce disque de bronze fut recouverte d’une feuille d’or et autour du centre, marqué par un discoïde, s’inscrivent trois cercles comportant 8 discoïdes pour le premier, 16 pour le second et, enfin, en périphérie, 27 pour le dernier.
Le char de Trundholm montrant sa face recouverte d’une feuille d’or. Découvert en Zélande du nord, cet objet est conservé au Musée National du Danemark à Copenhague.
Nous en avons traité dans un autre ouvrage[9] et, ici, contentons-nous de dire que les nombres résultant de la disposition des discoïdes (1, 8, 16, 27) se révéleront des plus significatifs lorsque, des siècles plus tard, il sera question des runes.
Formé de cercles concentriques, le cœur de l’objet est un discoïde rayonnant (pour montrer son importance de par sa situation centrale) entouré de 8 autres (non rayonnants). Une façon d’indiquer que le 8 marque le milieu du monde selon le tracé bien connu qui a donné la rose des vents : . De plus, chez les Germains, le 9 (1 + 8) était sans doute, déjà avant notre ère, perçu comme l’aboutissement des 10 chiffres[10] (0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9) permettant de développer les nombres de façon in(dé)finie.
Un second cercle est composé de 16 discoïdes que relie deux par deux et entoure une sorte de ruban. On notera que 9 (8 + le centre) + 16 = 25, le carré de 5, tandis que le cercle de discoïdes le plus extérieur comporte 27 éléments, soit 3 x 3 x 3, le cube de 3. On sait que le nombre 26, associé, en ésotérisme, à la présence du divin dans les mathématiques, a la particularité de se situer entre le carré de 5 et le cube de 3. Sur cette face, la totalité des discoïdes est de (1 + 8 + 16 + 27 =) 52, autrement dit le doublement du 26. Constatons donc que les nombres sont disposés de façon à manifester un message à haute teneur symbolique à partir d’une centralité synonyme de Pôle.
Ces nombres sont figurés sur la face dorée, afin de suggérer que leur signifiance appartient à une révélation solaire puisque, on le sait, l’or est le métal dont l’éclat s’apparente à celui de l’astre diurne. Le char de Thrundholm énonce que les nombres nous éclairent.
QU’EST-CE QUE LA « GUÉMATRIE » ?
En conséquence, il convient de préciser que tous les symboles sont structurés par les nombres et la géométrie. D’où le fait que certains expriment l’unité (divine), ainsi pour le cercle centré : ; d’autres la dualité sinon la gémellité, ; puis le ternaire, , , , parmi de nombreuses variantes ; et le quatre, , ,ou bien, avec le lauburu basque, , sinon par un quadruple nœud, ; le cinq, tracé en pentagramme, … etc… Or, les runes sont, certes des lettres évocatrices de symboles, notre travail cité plus haut l’a montré, mais également des nombres de par le système qu’on nomme « guématrie ». Expliquons ce terme et ce qu’il implique. Il vient du mot grec γεωμετρία (geometria) qui veut dire « géométrie » et cela prouverait que la formation des lettres a toute son importance, notamment avec le graphisme très angulaire des caractères runiques. Par guématrie on entend un système conférant à chacune des lettres un nombre selon la place qu’elle occupe dans l’ordre d’un alphabet (remplacé ici par fuþark, formule alignant les six premières runes) auquel elle appartient. Ce fut le cas pour le monde grec et la communauté hébraïque. Mais, date à retenir, depuis 1973 et les imposants autant que minutieux travaux du runologue Heinz Klingenberg, déjà cité, nous avons les preuves que l’écriture runique impliquait un système de guématrie. Les noms de divinités ou de personnages humains, de lieux ou d’objets ou encore de concepts, portent des nombres. Dès lors, à travers tout ce qui désigne des choses distinctes les unes des autres, transparaît ce que l’on pourrait nommer une sorte d’architecture composée numériquement et révélant le rapport s’établissant entre l’univers et notre existence.
En usage du premier siècle de notre ère (datation que confirme la découverte de la fibule gravée de runes à Meldorf, Schleswig-Holstein, Allemagne) jusqu’au huitième (époque durant laquelle prend place un autre système runique) l’« ancien fuþark » comporte vingt-quatre signes et offre la particularité de se composer de trois séries de huit runes, comme on le constate avec la présentation ci-dessous :
À bien considérer ce système, on devine aisément qu’il est conçu pour traduire un ensemble de données fort élaborées tout en les occultant. Ici intervient la subtilité des runes car l’essentiel des significations est sous nos yeux mais la clé, à priori, nous échappe. Pourtant, la possibilité de la forger se voit offerte à qui posera les pertinentes questions après avoir préalablement tenté d’interpréter chaque rune par son graphisme, sa valeur numérique puis celle du nom dont elle constitue l’initiale. On comprend alors pourquoi le mot rune veut dire « mystère ». Il s’agit d’une écriture « mystérieuse », construite par des énigmes. Et ce, non seulement à partir du moment où elle nécessite un décryptage, mais encore parce que, de découverte en découverte, à force d’en dégager des significations secrètes, l’évidence finit par s’imposer que cette façon singulière de tracer des signes ouvre sur quelque chose d’incommensurable, en résonnance avec l’univers autant qu’avec notre identité la plus enfouie sous une nature humaine que des limites conditionnent. Libéré de telles entraves par la science du fuþark, l’être aurait la possibilité de réintégrer les prodigieuses potentialités qui furent inhérentes à sa personne en Âge d’Or.
Afin d’illustrer ce que nous venons d’énoncer sur la subtile complexité de chaque rune, prenons un exemple qui, plus haut, est déjà intervenu dans notre propos. La rune F: , à partir de l’image des anneaux datant un arbre ou de celle d’une pierre jetée dans l’eau d’un lac et figurant un commencement qui s’étend circulairement dans l’espace, il faut s’intéresser au nom de cette lettre et à la guématrie qui en ressort :
*f e h u
1 19 9 2 = 31,
Nombre qui, pour les anciens, devait se lire 1 et 30 car composé du 1, l’unité synonyme de divin, existant avant toute chose, et du 30, marquant dans les sociétés « albo-européennes » la fondation d’un ordre céleste (les 30° qu’occupent chaque signe du zodiaque) se reflétant sur terre (ainsi pour les 30 familles fondatrices de Rome). On pourrait en conclure que 31, attribué au nom de F, *fehu, répond idéalement à la première rune puisque de l’unité divine émane le 30 organisateur du monde.
Ce livre propose donc de découvrir les principaux arcanes des peuples « albo-européens » et la guématrie, science des lettres porteuses de nombres, instrument de décodage indispensable pour commencer à entrevoir l’impressionnant message issu des grands ancêtres. Et ce, afin que, dans nos consciences, se lève la plus intense aurore civilisationnelle.
Nathalie et Paul-Georges Sansonetti, Solstice d’Hiver 2023.
Notes:
[1] Dans son livre capital intitulé Le Roi du Monde.
[2] Pour preuve son évocation en page 1 du célébrissime récit, intitulé Frankenstein, rédigé en 1818 et désigné comme le premier roman de Science-Fiction.
[3] Dans cette strophe, il est dit qu’après les bouleversements considérables inhérents à la fin du cycle on retrouvera « dans l’herbe verte les tables d’or que possédaient les anciens ». Par un tel métal, ces tables (portant la connaissance des origines) représentent le retour de l’Âge d’Or.
[4] Les Runes et la Tradition primordiale, seconde édition, Les Amis de la Culture Européenne, 2020.
[5] Avec la première, elle s’intègre à un ensemble de neuf runes qui prennent place dans ce double carré : f(1), u(2), n(10), y(13), p(14), z(15), t(17), e (19), m(20). Leur total donne exactement le 111 indissociable de la notion de Pôle et, donc, de Centre suprême. Point de hasard, on s’en doute. Le nombre d’or s’inscrit dans la perfection polaire.
[6] Dans son ouvrage Runenschrift – Schriftdenken, Runeninschriften, Carl Winter, Heidelberg, 1973.
[7] Ibid., p. 332 et suivantes.
[8] Qui est très négativement connotée par les instances dirigeantes de l’Europe ouvertement au service de ce que Guénon, toujours lui, dénomme l’« Antitradition ». Ce terme désigne une organisation multiforme et non révélée se donnant pour tâche funeste de lutter contre ce qui relèverait de la Tradition afin d’empêcher, par tous les moyens possibles, son retour et, ainsi, l’achèvement du cycle.
[9] Les Runes et la Tradition primordiales, op.cit., p. 41-43.
[10] Bien entendu, nous utilisons ici les chiffres d’origine non arabe mais indoue de l’Inde arya (et non pas dravidienne) et les Germains de l’an 1.400 avant notre ère se servaient sans doute de signes graphiquement différents. Sur l’or du char solaire, les nombres mis en exergue sont représentés par des discoïdes.
[11] Seule l’initiale du nom de cette rune, transposé dans notre alphabet, *ūruz comporte un accent non présent pour le second « u ».
[12] Le troisième signe existe toujours en Scandinavie sous la forme þ et correspond au son th.
[13] La treizième exprime un son entre le i et le e ; on le traduit comme suit : ï.
[14] La vingt-deuxième rune transcrit le son ing qui, de façon moderne, est notifié par le signe ŋ.